Prix Christina et Louis Quilico
Les Prix Christina et Louis Quilico ont été créés par Christina Petrowska Quilico en 2000 pour honorer la mémoire de son défunt mari, le célèbre baryton Louis Quilico ainsi que pour reconnaître de talentueux jeunes chanteurs, pianistes et compositeurs pour voix. Au cours de ses quarante cinq ans sur scène, Louis Quilico a partagé l’affiche avec Luciano Pavarotti, Placido Domingo, José Carreras, Joan Sutherland et Renata Tebaldi. Il a contribué à faire avancer la carrière de nombreux jeunes chanteurs à travers son enseignement et ses ateliers de maître.
Depuis 2000, les prix ont distribué presque 20 000 dollars à des jeunes chanteurs, et cette année le montant total des prix s’élève à 11 000 dollars.
Quel rôle ont eu les prix dans votre carrière comme l’une des pianistes classiques les plus célèbres du Canada ?
J’ai commencé les leçons de piano étant enfant au Conservatoire royal, et j’ai été accepté dans un programme à Julliard à l’âge de quatorze ans. Au cours de ma carrière, j’ai reçu des subventions du Conseil des arts du Canada et des bourses d’études doctorales. Les prix et les bourses m’ont fourni une aide financière qui m’a beaucoup aidé, en me permettant de vivre et d’étudier à New York. En tant que jeune artiste, tu n’as pas les ressources financières pour couvrir les leçons, les séances d’encadrement et les auditions ; même avec le soutien familial, les prix et les bourses sont très importants. C’est aussi une bonne chose de pouvoir inclure dans un CV que tes efforts et ton travail ont été récompensés avec soit un prix ou une bourse.
Les Prix Christina et Louis Quilico prendront la forme d’une compétition vocale cette année avec les membres du COC Ensemble Studio. Quel est le rôle des compétitions ?
Je pense que participer à des compétitions est aussi important que de gagner le prix lors de l'événement. Les compétitions enseignent aux étudiants « la survie » dans le monde de la musique. Vous apprendrez à jouer, et comment accepter de gagner ou de ne pas gagner avec grâce et humilité. Alors que j'étais à la Juilliard School, je voulais être la meilleure, mais j'ai compris que j'avais la grande chance d’étudier là-bas. Dans une compétition, vous apprendrez que, parfois, vous jouez vraiment bien, et pourtant ne gagnez pas, tandis que d'autres fois vous pouvez jouer pas aussi bien que vous êtes capable de le faire, et pourtant vous gagnez. L'expérience d'apprentissage de jouer devant des juges ou devant un public est un élément essentiel du parcours pour devenir un artiste musical accompli. C'est aussi l'occasion pour les directeurs et producteurs d'entendre des talents qui ne reçoivent peut être pas un prix, mais qui pourraient être parfait pour un futur projet.
Les prix sont-ils importants pour les artistes aujourd’hui?
Il en est de même que quand j’étais étudiante. Par exemple, pour le piano il ya tellement de compétitions dans le monde, et les critères de participation sont devenus plus difficiles. Vous devez démontrer que vous avez de l'expérience - dans d'autres compétitions et à jouer avec un orchestre complet - avant d’être accepté comme candidat dans certaines grandes compétitions. Les prix ajoutent à votre crédibilité, et - si vous gagnez – fournissent de rares ressources financières qui permettent de financer les coûts d'application, des voyages et de performance. Je dis à mes étudiants qu’il est essentiel d'acquérir de l'expérience à l'extérieur d'un studio. Vous ne pouvez pas dupliquer l'expérience d'être sur scène, de jouer avec un orchestre complet, où vous ne pouvez pas vous entendre au milieu de tous les autres instruments. Louis m'a pris sur la scène du Metropolitan Opera. Un chanteur qui voit la taille de la salle, va penser, « je dois crier, hurler pratiquement pour que mes notes soient entendues ». Louis m'a montré comment on apprend à projeter - la scène est très différente d'un studio. Cela fait partie des raisons pour lesquelles les prix et concours sont si importants pour le développement des artistes musicaux. Une grande voix ne suffit pas, les jeunes doivent développer une présence sur scène.
Comment avez-vous décidé pour ce prix ?
Louis avait voulu l’établir avant sa mort - c'était vraiment sa vision d’aider les jeunes chanteurs d'opéra. Il avait d'abord espéré créer une fondation. Nous avons appris qu’une fondation exige beaucoup de travail à créer et à gérer, sans parler de l'argent. C'est un peu un mythe que les chanteurs d'opéra qui réussissent ont de grandes ressources financières. Il est devenu évident que nous devions revoir à nos ambitions. Le lancement d'un prix a été quelque chose que nous pouvions faire pour léguer un héritage à la mémoire de la réussite de Louis en tant que chanteur et en tant que soutien aux générations futures. J’ai aussi eu de la chance que Louis connaissait Janet Stubbs, et que nous avons appris l’existence de la Fondation des arts de l'Ontario. La Fondation a pu nous aider Louis et moi à atteindre son but sans être accablés par la responsabilité de la gestion du prix. Louis était ravi de savoir que l'attribution irait aux jeunes chanteurs d'opéra et que cela pourrait se produire à Toronto. Sa carrière était internationale, mais il aimait cette ville.
Le Prix a-t-il atteint vos objectifs ?
C'est vraiment gratifiant de voir le fonds et les prix s’accroitre au fil des ans. Plus important encore, d’être en mesure de voir les progrès et le succès que les lauréats ont atteint dans leurs propres carrières. Tous les finalistes du prix de 2011 se portent bien. Il est satisfaisant de voir des chanteurs d’une telle haute qualité participer à des compétitions et de les voir s'établir à Toronto, au Canada et au-delà. Grâce à la Fondation et le prix, nous aidons les chanteurs à gagner en notoriété, ce qui est utile dans un environnement hautement concurrentiel.
Quels sont les enjeux que rencontrent les jeunes chanteurs aujourd’hui, particulièrement en opéra ?
Pour les chanteurs de la voix, je pense que cela est difficile et ils ont plus de dépenses à supporter que la plupart des autres artistes de la scène. En plus des cours de chant et d’encadrement, ils ont besoin d'acquérir des compétences de théâtre, de danse et de scène. Les auditions et les frais de déplacement doivent tous être financés en quelque sorte, et pour les femmes – la garde-robe et les robes de soirée sont coûteuses. Je crois qu’un chanteur doit être plus mobile pour obtenir des rôles – voyager pour des auditions ou pour une compétition. Comment peuvent-ils le faire et occuper un emploi à temps plein, et financer leur carrière ? Nous revenons encore au rôle crucial qu’un prix peur jouer.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui envisage un prix ou une bourse?
Si c'est ce que vous voulez faire plus que toute autre chose dans le monde - et sentez que vous devez le faire - et si vous êtes prêt à y mettre les efforts nécessaires, je dis allez-y!
Un jour, je parlais lors d'un événement d’une frustration particulière que je rencontrais, quand un homme se tourna vers moi et me dit: « Je travaille dans une usine, et d'être impliqué dans la beauté artistique de quelque façon que ce soit est un rêve que moi et la plupart d'entre nous ne connaitrons jamais. » Son commentaire m’a rendu plus humble et a mis mes problèmes en perspective. La récompense pour un individu de créer un prix, c'est de voir un jeune artiste apporter quelque chose de spécial au monde - que ce soit par le biais d'un instrument, de la voix ou de tout talent artistique, et de savoir que vous avez aidé à atteindre cet objectif.
Je connaissais un médecin à New York, qui jouait de la flûte comme un passe-temps, avait un Steinway dans son salon, avait créé des bourses de musique et logeait des étudiants dans sa maison. J'étais là quand il était l'hôte de médecins diplômés chez lui. Comme on pouvait s'y attendre, ils se sentaient plus d’importance et un peu arrogants. Il leur a dit: « Vous allez sauver des vies dans votre travail, mais rappelez-vous, les artistes rendent la vie digne d'être sauvée. » Je n'ai jamais oublié cela.
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